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Artisans : voici pourquoi on vous dit que c’est trop cher.

par Alexe Martel
Temps de lecture : 5 minutes

C’est l’histoire de Roméo, sauf qu’ici, il vit pas une histoire d’amour tragique avec Juliette ; il vend des toutous.

Ben oui! Roméo fabrique des peluches.

Ses créations sont le reflet de son expérience, de sa patience et, bien sûr, de sa créativité. Elles sont magnifiques, et quand ils passent devant son kiosque dans un marché de Noël ou un salon d’artisans, même les gens sans enfants ralentissent pour mieux les admirer.

Au début, Roméo affichait ses prix. Mais il s’est aperçu que les passants, dès qu’ils posaient les yeux sur le price tag, accéléraient le pas et évitaient systématiquement son regard.

Il est pas plus jambon qu’un autre ; il les a enlevé ses prix! Et grâce à sa passion et à sa persévérance, à force de jaser avec les gens dans les salons, il a réussi là où trop d’artisans échouent : il vit de ses créations.

Bon ok. Ça, c’était avant la pandémie.

Depuis le printemps dernier, Roméo essaye fort de vendre ses créations sur Etsy et dans sa boutique en ligne, mais ça fonctionne moins bien. C’est plus difficile de vendre quand il ne peut pas transmettre sa passion aux gens de vive voix. Quand ils ne tombent pas en amour avec ses produits avant de voir le prix.

Il commence à être un peu désespéré. Il a investi un peu d’argent dans de la pub Facebook, mais beaucoup de gens dans les commentaires s’indignent du prix de ses peluches.

Ça met notre créateur de toutous en beau tabarn*k, parce qu’il ne les a pas fixé au hasard, ses prix!

Roméo a utilisé la méthode Cost+.

Je suis certaine que tu sais déjà de quoi je parle, même si tu ne sais peut-être pas que ça s’appelle comme ça. C’est la méthode habituellement enseignée dans les cours de lancement d’entreprise.

Voici, en gros, comment il a fixé ses prix :

  1. Il a calculé toutes ses dépenses : son temps, les matériaux qu’il utilise, l’argent qu’il investit en marketing, etc.
  2. Après, il s’est fixé un objectif financier pas trop ambitieux, juste pour bien vivre.
  3. Il a estimé combien de peluches il est capable de créer et vendre chaque année.
  4. Et il a fixé le prix final pour qu’il reste une marge de profit raisonnable après toutes ses dépenses.

Et là, Roméo est frustré parce qu’il a l’impression que ses clients potentiels ne comprennent rien.

Ils n’ont aucune idée de tout le travail qu’il met dans ses peluches! De tout l’argent qu’il doit dépenser avant même de pouvoir débuter le travail, juste pour avoir les matériaux sous les mains. Ils ignorent aussi le temps et le cœur qu’il met dans la création de nouveaux modèles originaux. 

Et là, on n’a même pas parlé de ses années d’expérience!

Mauvaise nouvelle pour Roméo (et pour tous les artisans qui se donnent corps et âme dans ce qu’ils créent) : tes clients s’en fichent de tes dépenses.

Ils ne veulent pas savoir combien te coûtent tes matériaux, ta boutique en ligne ou les logiciels que tu utilises. Ils s’en balancent que tu doives changer de machine à coudre ou d’ordinateur cette année pour continuer d’opérer ton entreprise parce que celui que tu avais depuis 6 ans vient de rendre l’âme. Et ça ne leur fait pas un pli que ça te coûte cher de faire livrer tes créations à travers tout le Québec.

Voici ce qui se passe dans la tête des gens quand ils achètent quelque chose :

  1. Ils voient un objet qu’ils désirent.
  2. Inconsciemment, ils accordent une valeur monétaire à l’objet.
  3. Si le prix réel est plus élevé que le prix qu’ils avaient dans leur tête, ils trouvent ça cher, et c’est hyper difficile de leur prouver le contraire.

Le problème de notre Roméo, c’est que ses clients potentiels pensent que ses peluches ont une valeur moins élevée que dans la réalité. Alors quand ils voient ses prix, ils « font le saut », en bon québécois.

Connaître les dépenses derrière la création de la peluche va rarement les faire changer d’avis. Le décalage entre la valeur qu’ils accordent à la peluche et le prix est trop immense.

Tu sais pourquoi?

Parce que Roméo, comme la majorité des artisans, a fixé ses prix de façon anti-stratégique.

C’est pas sa faute. La méthode Cost+ est populaire, et elle a le mérite de nous éviter de faire faillite parce qu’on ne charge pas assez cher. 

Il y a encore trop d’artisans et de petits entrepreneurs qui vendent à perte, parce qu’ils ne prennent pas le temps de calculer leurs dépenses!

Mais s’il avait fixé ses prix avec l’aide du pricing de valeur, il aurait fait les choses autrement : 

  1. En premier, il se serait questionné sur la valeur que ses peluches apportent à ses clients.
  2. Ensuite, il aurait cherché à trouver combien sont client idéal est prêt à payer pour cette valeur.
  3. Après, il aurait contrôlé ses dépenses en conséquence, pour garder une marge de profit intéressante. 
  4. Et finalement, ça aurait été pas mal plus facile de vendre, parce que le prix et la valeur de ses peluches seraient alignés aux yeux de son client cible.

⚠️ Et là attention! Ça ne veut pas dire que les prix de Roméo sont trop élevés!

À force de se faire répéter par Jean-Guy et Ginette sur Facebook que ses créations sont trop chères, peut-être qu’il commence à douter de ses prix…

Mais il y a de bonnes chances que les prix de Roméo soient… trop bas.

Tu sais pourquoi? Parce que la valeur, c’est pas quelque chose qu’on peut définir facilement. Elle n’est pas universelle. 

La valeur est dans les yeux de celui qui regarde. 

Je te donne un exemple simple. Récemment, j’ai fait la dépense la plus extravagante de ma vie : je me suis acheté une machine à café à 3000$. 

Je suis le genre de personne qui aime rationnaliser ses achats. Habituellement, j’ai toujours une « bonne raison » pour dépenser un gros montant d’argent. Mais là, ça faisait longtemps que j’y pensais. J’adore le café, ça me passionne, et je voulais pouvoir boire des expressos et des lattes comme à la brûlerie chez moi. 

Ma machine, je l’aime d’amour, elle a une valeur immense à mes yeux. Je peux t’en parler en long et en large pendant plusieurs minutes, pour t’expliquer pourquoi c’est LA meilleure machine. 

Mais pour mes parents, qui boivent du café Tim Hortons et aiment le café filtre cheap, c’est une dépense incompréhensible. À leur yeux, ma divine machine n’a pas plus de valeur que leur vieille cafetière Keurig. 😅

C’est pareil pour Roméo et ses peluches!

Pour les vendre au juste prix, il doit être capable de déterminer quelle valeur son client idéal va leur accorder. Pas Jean-Louis et Ginette qui se promènent sur Facebook et n’ont aucun intérêt réel pour l’artisanat. 

Dis-moi ton prix, et je te dirai qui tu es. 

Non seulement Roméo devrait prendre le temps d’évaluer la valeur de ses peluches dans les yeux des bonnes personnes, mais en plus, il doit réaliser qu’un prix, c’est plus qu’un prix. 

Un prix c’est un message, un signal que tu envoies aux gens. 

Si ma précieuse machine à café avait été affichée à 900$, je ne l’aurais probablement même pas considérée dans mes choix. Dans ma tête, ça aurait été évident qu’à ce prix-là, ce n’était pas le genre de machine que je recherchais. 

Et le pire, c’est que les gens qui magasinent des machines à 900$ n’auraient pas forcément mieux réagi. Ils n’auraient pas été en mesure d’apprécier toute la valeur de la machine, et la compagnie se serait retrouvée à laisser de l’argent sur la table. 

Fixer tes prix, ce n’est pas une décision que tu prends en réaction à différent facteurs. Enfin, oui, en partie… mais c’est aussi — surtout — une décision qui doit être proactive, parce que tes prix ont un impact sur la perception de valeur de tes clients potentiels. 

Bien des artisans se retrouvent dans un entre-deux où leurs prix sont : 

  • Trop élevés pour les gens qui magasinent au prix (et qui comparent des pommes avec des oranges, genre comparer une peluche de Roméo à un toutou cheap du Walmart)…
  • Mais trop bas pour envoyer le bon signal à leurs clients idéaux, ceux qui recherchent l’originalité, la qualité ou une expérience supérieure, par exemple. 

C’est le cas de Roméo! 

S’il s’arrête un peu pour constater toute la valeur qu’il apporte à ses clients avec ses peluches…

Et qu’il fixe ses prix en fonction de cette valeur…

Il va vendre autant sur internet qu’en salon. Sinon plus. 

Ça t’intrigue? Je parle justement de pricing stratégique dans un atelier en ligne jeudi prochain, le 28 janvier.

C’est gratuit, et tu peux t’inscrire en cliquant ici.

2 Commentaires
  1. Naila

    Très pertinent !!!
    Je suis Romeo… Et j’en connais beaucoup d’autres !!!
    Dommage , je découvre cet article que maintenant, j’aurai aimé participer à l’atelier…

    Réponse
  2. Flaba Caroline

    Pareil que Naila 🙂 Je découvre trop tard mais ça me titille ma neurone curieuse 🙂

    Réponse
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