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Vendre en récession : adapte ton marketing aux nouvelles habitudes d’achat

par Alexe Martel
Temps de lecture : 10 minutes

Personne n’a envie de le dire tout haut (surtout pas le ministre des Finances), mais l’économie du Québec remplit maintenant les critères d’une vraie de vraie récession.

Ailleurs dans le monde, ça ne va pas forcément mieux. On parle presque partout de « ralentissement économique » ou de « possible récession ». Et dans notre tout petit monde de l’entrepreneuriat, ça fait un moment déjà qu’on entend des choses comme :

« J’ai l’impression que tout est au ralenti. »

« Je comprends pas. Pourtant, ça avait super bien marché l’an passé. »

« Les gens dépensent moins. J’ai peur. »

« C’est la première fois que je passe autant de temps sans signer un client. »

« Alexe, j’avoue que je commence à regarder les offres d’emploi. »

J’ai eu des dizaines de discussions sur le sujet dans la dernière année — et même avant.

Déjà en novembre 2022, des personnes autour de moi me parlaient d’une sécheresse ou d’une période plus difficile. Et pendant toute l’année 2023, le ralentissement est devenu un sujet de conversation tristement commun dans le milieu entrepreneurial.

Une grande inscription murale du mot "RÉCESSION" est représentée sur un mur de béton. Le texte est en majuscules et semble être fait de lettres noires érodées ou brûlées, avec des textures qui évoquent l'effritement et la désintégration. Le mur est texturé avec des fissures et des éclaboussures, et il y a des taches de mousse et de petites plantes qui poussent à travers les crevasses, ajoutant une touche de verdure à l'ensemble. La scène dégage une atmosphère de délabrement et d'abandon.

Est-ce que ce sentiment généralisé reflète la réalité? Est-ce qu’on est réellement en train de traverser un désert désolant? Mais surtout, qu’est-ce qu’on peut faire pour continuer de générer des revenus dans un contexte économique difficile?

C’est à ces questions que j’essaye de répondre dans ce texte. Pour nourrir ma réflexion, j’ai discuté avec deux collègues entrepreneurs que j’adore : Maude Lavoie, experte Shopify à la tête de Nitro, et Charles Davignon, président de l’agence Antilope.

Diminution des ventes : simple impression ou réalité?

Ralentissement, récession, diminution, baisse d’achalandage, dégringolade des ventes…

À force d’en entendre parler comme si c’était un fait établi, on peut avoir l’impression que toutes les entreprises (ou presque) sont en difficulté!

J’ai eu l’idée d’en parler avec Charles et Maude, parce qu’ils ont le privilège de travailler avec toutes sortes de petites entreprises, dans plusieurs secteurs différents. En plus, comme ils suivent certains de leurs clients depuis plusieurs années, ils sont bien placés pour observer les tendances qui changent au fil du temps.

J’ai été surprise quand Maude m’a expliqué que la majorité de ses clients s’en sortent bien :

On a beaucoup parlé en 2023 des entreprises qui vont mal, mais ce n’est pas la réalité de tous. La majorité de mes clients ont soit eu des revenus stables ou encore vécu une croissance de leurs revenus. Mais on en parle peu, comme si on avait peur de s’attirer le courroux de l’univers si on le dit à voix haute!

Tout n’est pas noir, mais garder le cap demande beaucoup d’efforts et de constance. Et beaucoup d’humilité aussi pour se réajuster en cours de route lorsque c’est nécessaire. Ils sont restés en action toute l’année, et ça a généré des résultats.

Maude Lavoie, Nitro

Est-ce que les entreprises qui continuent d’obtenir des bons résultats malgré la situation économique ont peur de le dire tout haut?

Je peux te dire que de mon côté, même si mes lancements se sont bien déroulés en 2023, je suis restée plus discrète vis-à-vis mes résultats. J’avais un peu peur, c’est vrai, de paraître insensible aux difficultés qui affligent certain·es de mes collègues. Je ne voulais pas générer de l’envie ou devenir une source de comparaison qui fait mal.

Certains des clients de Maude ont peur de s’attirer le courroux de l’univers, et je suis comme eux : une partie de moi veut rester silencieuse par superstition. J’ai peur de me « jinxer » si je dis à voix haute que les choses vont bien pour moi.

Ce silence, même s’il découle d’une volonté de ne pas blesser ou déranger, contribue à l’impression généralisée que les choses vont mal. Je me demande si cette année, on ne devrait pas le dire un peu plus haut quand ça se passe bien?

Du côté des clients de l’agence Antilope, il ne semble pas non plus y avoir de baisse généralisée des ventes. Charles explique :

De ce que l’on a vu en 2023 chez nos clients, c’est surtout un grand ralentissement de la croissance. Plusieurs entreprises que l’on accompagne ont vu leurs ventes commencer l’année au ralenti, et la terminer en force, avec les périodes de promotions.

Du côté des entreprises qui ont vu leurs ventes diminuer, on parle de 10 à 20% de diminution pour un budget marketing similaire, alors on est loin d’être un arrêt complet. Cela dit, quand on est au milieu de la tempête, et qu’on roule au ralenti pendant plusieurs semaines, on a l’impression de voir toute notre entreprise s’écrouler.

Charles Davignon, Agence Antilope

Ce que dit Charles est important. Quand on se préparait à une croissance, on peut être ébranlé quand nos ventes stagnent. Et plusieurs entreprises ont été habituée à une croissance forte et continue pendant la pandémie.

C’est vrai! Certains secteurs ont vécu une croissance juste incroyable pendant la crise. C’est mon cas, et je pense que c’est le cas de beaucoup d’autres entreprises dans le secteur des formations en ligne, notamment.

Toutefois, il faut comprendre que cette croissance était anormale. Pendant plusieurs mois, les gens ont été confinés chez eux. Leurs habitudes d’achat ont été fortement influencées par les circonstances.

Du jour au lendemain, les gens se sont mis à :

  • Suivre des formations en ligne ;
  • Assister à des événements ou se procurer des services à distance ;
  • Acheter des produits locaux pour se gâter et encourager les petites entreprises ;
  • S’abonner à toutes sortes de boîtes (des boîtes repas, des boîtes pour faire son pain ou son fromage à la maison, des boîtes pour découvrir des aliments du Québec, etc.) ;
  • Cuisiner et bricoler davantage ;
  • Accumuler les produits de luxe en mode « cocooning » ;
  • Et plus encore.

En parallèle, plusieurs de leurs « postes de dépenses » habituels leur étaient inaccessibles : les sorties entre amis ou en famille, les restaurants, les voyages, etc.

Avec la fin de la pandémie, on a d’ailleurs vu une recrudescence des achats dans le monde du voyage. Les gens, frustrés d’avoir dû annuler à cause de la pandémie, avaient hâte de partir. Le phénomène porte même un nom : le revenge travel.

Je pense que plusieurs entreprises qui ont vécu une croissance forte pendant la pandémie — ou même qui se sont lancées à ce moment-là — n’ont pas anticipé l’impact du retour à la normale sur leurs résultats.

Ajoute une récession — ou un ralentissement économique, si tu préfères — à ce phénomène, et tu obtiens un dangereux cocktail. Ce n’est pas étonnant, dans les circonstances, que certaines entreprises peinent à s’adapter.

Les habitudes d’achat sont en train de se transformer.

Les gens dépensent encore, mais ils dépensent autrement.

Depuis la fin de la pandémie, les habitudes d’achat des consommateurs se sont transformées. Probablement que toi aussi tu :

  • Réfléchis davantage avant d’acheter ;
  • Dépenses moins juste sous prétexte de te « faire plaisir » ;
  • Doit balancer ton budget entre ta nouvelle habitude de consommer des formations, des produits ou des services offerts en ligne avec ton envie de faire des activités « en vrai ».

L’an dernier, j’ai pensé que mon lancement pour ma formation Maîtrise la rédaction persuasive allait être un échec retentissant.

Ma courbe de ventes ressemble habituellement à un « U » grossier, avec plusieurs ventes les premiers jours et encore plus de ventes à la fin du lancement, comme ceci :

Graphique linéaire avec une ligne rouge indiquant une tendance des ventes pour une formation en ligne en 2022. La ligne commence en haut à gauche, chute brusquement pour former un creux profond au centre, étiqueté 'Vallée du désespoir', puis remonte fortement vers la droite.

Mais l’année dernière, j’ai eu droit à un beau et grand J. Presque tout le monde a attendu plusieurs jours pour acheter, si bien que j’ai fait pratiquement toutes mes ventes dans les 2 derniers jours :

Graphique linéaire avec une ligne rouge montrant une tendance des ventes pour une formation en ligne en 2023. La ligne commence en bas à gauche, monte légèrement, forme une petite vallée au milieu, étiquetée 'Vallée du WTF', et puis s'élève abruptement vers le haut à droite.

Avoir eu moins d’expérience avec les lancements de formations en ligne, j’aurais peut-être décidé d’avorter toute ma campagne, tellement j’étais découragée. (J’avais l’habitude de faire au moins 20% de mes ventes dans les 2 premiers jours. J’étais certaine que je fonçais dans un mur.)

J’ai décidé d’aller jusqu’au bout et de faire mon post-mortem après la fin de mon lancement. Meilleure décision ever, puisque j’ai finalement généré un nombre hallucinant de ventes dans les dernières 48h.

Au final, c’est le comportement de ma clientèle s’était transformé. Ma formation s’est vendue autant, mais ma cible a mis plus de temps à se décider.

Comment continuer à vendre quand les habitudes d’achat se transforment?

Pour Charles, c’est une question de positionnement :

Les gens n’arrêtent pas de dépenser du jour au lendemain, alors c’est toujours une question de priorité. Un changement dans leur budget va seulement faire revoir leurs priorités.

Pour continuer de générer de l’intérêt pour tes offres (et des ventes), tu dois positionner tes offres au travers des priorités de tes clientes et clients (parce qu’essayer de les convaincre de changer leurs priorités pour toi, ça se fait, mais c’est plus compliqué).

Charles Davignon, Agence Antilope

Quelles sont les nouvelles priorités de ta clientèle, en 2024? Et surtout, comment est-ce que tu pourrais aligner tes arguments de vente à ces nouvelles priorités?

Plus que jamais, les gens ont besoin de sentir que les achats qu’ils font sont réfléchis, utiles et transformateurs.

À mon avis, une partie de la solution réside dans la qualité de ton copywriting.

Pendant la pandémie, plusieurs produits se vendaient comme de l’eau, sans effort. Même sans avoir défini clairement notre client idéal, avec un brand boboche et un peu de bonne volonté, on arrivait à atteindre notre cible.

En 2024, il faut faire un peu plus d’effort pour vendre. Voici mes 2 meilleurs trucs :

1) Communique toute la valeur de ton offre.

Dans mon livre Ajoute un zéro, je parle en long et en large de la différence entre la valeur réelle et la valeur perçue de ce qu’on vend.

Pour faire simple : tes client·es ne lisent pas dans tes pensées. Si tu ne communiques pas activement et régulièrement toute la valeur de ton produit ou de ton service, il se peut que ta cible passe à côté.

Autrement dit, c’est la valeur perçue, PAS la valeur réelle, qui détermine si une personne est prête à payer pour quelque chose… ou pas.

Je vois encore trop de descriptions de produits et d’offres de service qui ressemblent à des listes d’épicerie, avec quelques caractéristiques factuelles désincarnées et un prix.

Besoin d’aide avec ça? Mon livre, Ajoute un zéro (disponible dans toutes les bonnes librairies en France comme au Québec), peut te donner un sérieux coup de main.

Sinon, mon amie Rosalie Côté vend un gabarit d’offre de services (lien full affilié) absolument délicieux. Tu pourrais aussi engager une copywriter qui sait ce qu’elle fait ou te former au copywriting.

2) Mets de l’avant les bénéfices les plus persuasifs.

J’ai créé la matrice des bénéfices, inspirée du monde de l’économie comportementale, pour m’aider à décider quelles caractéristiques de mes offres ont le plus de chances de convaincre mes client·es d’acheter.

Les gens ont tendance à passer à l’action rapidement quand on leur présente des bénéfices concrets qui vont faire une différence rapide dans leur vie (cadran jaune).

À l’opposée, les bénéfices abstraits ou qui ont un impact à long terme sont moins convaincants, et poussent moins les gens à passer à l’action. Du coup, les éléments qui se retrouvent dans le cadran rouge ont peu de chances, à eux seuls, de te générer beaucoup de ventes.

Brainstormer avec l’aide de la matrice peut t’aider à axer tes publicités, tes publications sur les réseaux sociaux ou tes infolettres par exemple sur les éléments les plus persuasifs de ton offre.

Parfois, la matrice me permet aussi de constater qu’un produit va moins bien fonctionner qu’un autre, et de revoir mes attentes à la baisse.

Une formation comme Lance (enfin!) ton infolettre par exemple, qui vient avec plusieurs bénéfices concrets et une promesse temporelle (lancer ton infolettre en 10 jours), n’a presque pas le choix d’être un coup de circuit. J’ai d’ailleurs converti 1% de l’ensemble des abonnés à ma liste quand je l’ai lancé (ce qui est énorme quand tu as autant d’abonnés que moi).

À côté de ça, mon Attirail de l’apprenti copywriter se vend bien, mais sans plus. On est loin d’un coup de circuit! Et c’est prévisible, quand on regarde la page de vente : les bénéfices sont beaucoup moins concrets, et il n’y a pas d’élément de temporalité.

Bref, utiliser ma matrice peut t’aider à miser sur les caractéristiques de ton produit qui sont les plus puissantes.

3) Évite de sombrer dans l’abysse des rabais à répétition

Comme les gens mettent plus de temps avant de se décider à acheter, les dates limites sont encore plus efficaces qu’avant pour générer des ventes.

Si tu fonctionnes par cohortes pour ta formation en ligne ou si tu organises une promo avec un début et une fin, il est plus important que jamais de communiquer clairement et souvent à propos du deadline. (Sans tomber dans la fausse urgence.)

Toutefois, tu dois faire attention de ne pas tomber dans le cercle vicieux de faire des rabais à répétition, surtout si ces rabais sont offerts à toute ta clientèle (même tes ancien·nes client·es).

En effet, les rabais répétés peuvent créer une habituation, et te faire entrer un cercle vicieux où ta clientèle attend toujours le prochain rabais avant d’acheter. Tu es alors condamné·e à enchaîner des promos sans interruption.

Surtout pour les petites entreprises, c’est une stratégie qui peut être dangereuse. Elle peut nuire à ton positionnement à long terme et dévaluer tes produits.

La qualité qui te fera passer à travers la récession.

Une des raisons pour lesquelles j’ai approché mon amie Maude, au moment de rédiger cet article, c’est qu’elle est en affaires depuis beaucoup plus longtemps que moi.

Maude s’est lancée en 2007, juste avant la crise économique de 2008, qu’elle a traversée. Au fil des ans, elle a dû s’adapter à plusieurs changements de circonstances, et rester résiliante face à bien des imprévus.

Je te la cite une dernière fois :

La pire erreur qu’on peut commettre en 2024 est de céder à la panique. C’est vrai que c’est anxiogène et qu’on voit des entreprises fermer un peu partout, mais c’est surtout parce qu’on est tous TRÈS présents en ligne. Donc les très bons coups, comme les très mauvais, ont une plus grande portée qu’avant. Et malheureusement on a une propension à partager plus facilement les mauvaises nouvelles que les bonnes.

Mais ça ne veut pas dire que ça va t’arriver aussi. Surtout si en ce moment tes chiffres ne sont pas si mal. Je pense qu’il est important de rester dans l’action, et de continuer de poser des actions marketing, d’optimisation de sa business et de développement.

Donc de continuer de rester visible autant en ligne que hors ligne. D’améliorer tes processus internes, d’optimiser tout ce que tu peux pour maximiser chaque dollar de revenu

Maude Lavoie

C’est vrai qu’on n’est pas dans la période la plus joyeusement florissante pour être à la tête de sa propre entreprise. Pis on a le droit de trouver ça tough, des fois, de continuer à avancer malgré tout ce qui semble nous tomber sur la tête.

Mais tout change, tout le temps. Tout passe.

Et j’espère fort que toi et moi, d’ici quelques mois, ou au pire quelques années, on pourra dire avec fierté qu’on a passé à travers cette tempête la tête haute et le cerveau plein de solutions, entouré·es de collègues qui avaient notre succès à coeur.

Pour 2024, je te souhaite de la résilience.

1 Commentaire
  1. Sarah-Eve Cossette

    Merci pour ce très bon article!
    On est plusieurs dans le même bateau, et ça a un petit quelque chose de rassurant de le lire ici!
    De mon côté, j’ai encore un flow continu de clients entrants, mais moins à l’avance qu’avant.
    J’étais « bookée » 6 mois à l’avance, alors que maintenant c’est 3 semaines, 1 mois à l’avance.
    N’empêche qu’à date, ce mois de janvier 2024 est mon meilleur mois de janvier, côté revenus, depuis 2018 (première année complète à mon compte)!
    Merci Alexe, Maude et Charles!

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